Progresser sans matériel, juste au feeling

Peut-on être compétitif sans outils embarqués : oui. Car le fait de rouler connecté n’a pas d’incidence sur l’effi cacité d’une séance. Compteurs, capteurs Bluetooth, Ant+, home-trainer virtuel, les produits connectés sont partout. Les retraités comme les jeunes vivent avec leur temps, c’est-à-dire avec des compteurs embarqués sur le vélo et des smartphones qui les géolocalisent en permanence. Avec ces gadgets, après un transfert-enregistrement en temps réel, ils peuvent de n’importe quel coin de la planète, comme leur entraîneur, éplucher sur ordinateur les données exhaustives de leurs sorties : courbes de fréquence cardiaque, de puissance, de fréquence de pédalage, de vitesse, d’altitude, de température, mais aussi statistiques, carte du parcours. Mais à force d’en connaître de plus en plus, on fi nit par savoir tout sur rien et oublier l’essentiel ? C’est sans doute ce qui anime les « résistants » au progrès qui n’utilisent pas ou même refusent tous ces outils « high-tech ». Ils roulent plutôt au feeling mais selon leurs habitudes ou leurs envies, en jargon vélo on dit « rouler aux sensations ». Cela ne signifi e pas que leur démarche est forcément empirique. Au contraire, dans bien des cas elle est construite, élaborée, progressive et fait appel à l’intelligence de l’adaptation que certains « geeks » oublient. Qu’est-ce donc réellement que « s’entraîner aux sensations » et comment s’organiser ?

Le carnet d’entraînement

« Être à la page » signifie aussi écrire sur un tel carnet d’entraînement ce qu’on veut, quand on veut, comme on veut, avec des couleurs ou pas, en griff onnant des pensebêtes. On retrouve vite fait ses archives pour les consulter. Certains ajoutent sur ces carnets des coeffi cients d’indice de forme, classés de 1 à 5. Fatigue, performance, dureté, sensations générales… En général, ils ont également un grand calendrier en bonne place dans l’atelier vélo. D’un seul coup d’oeil, ils ont une vue d’ensemble sur leurs annotations, progressions, échéances, objectifs, vacances, dates importantes, rendez-vous, etc. Dès lors, ils ont sûrement le recul suffi sant quand il s’agit de faire une programmation d’entraînement longue avec des cycles et des microcycles. Faciles et effi caces pour leur utilité, le carnet d’entraînement et le calendrier mural sont peut-être à redécouvrir pour les nouveaux accros de la technologie.

La forme par l’expérience

« On ne change pas une recette qui marche, ni une équipe qui gagne ». Les professionnels qui durent, parmi les plus aguerris, ne sont pas forcément ceux qui restent l’oeil rivé sur leur capteur de puissance. Certains utilisent certes quelques outils – imposés par leur équipe et les nouveaux entraîneurs qui sont maintenant obligatoires dans les structures UCI –, mais ils font surtout appel à leurs habitudes, qui sont souvent bonnes.
L’entraînement n’est pas une affaire si compliquée si on réfléchit bien. Une coupure en automne, une remise en route avec des courtes sorties variées en décembre, un stage d’équipe où ils commencent à faire du rythme et un peu de volume, puis en janvier quelques séances de puissance et les compétitions commencent après un autre stage avec des bosses. Ensuite, entre les courses, ils gèrent la récupération et quelques eff orts spécifi ques dont des reconnaissances pour leurs objectifs. Ils font cela depuis des années et modulent, selon leur état de forme, en allongeant certaines sorties ou en les raccourcissant selon leurs repères. Les cyclosportifs de « métier » ont également leurs us et coutumes sans pour autant se focaliser sur les données enregistrables. Et cela fonctionne ! Ils sont là, devant pour leurs objectifs estivaux, avec leurs stages qu’ils programment où ils n’oublient pas des moments de convivialité. Ils se « serrent la ceinture » à deux mois des échéances pour perdre quelques kilos superfl us. Cette méthode a du bon et leur laisse une grande disponibilité, une fois descendus du vélo, pour faire autre chose que penser vélo. Ils ne gambergent pas avec des données compliquées qui peuvent les chambouler au niveau psychologique parce qu’ils savent mener une vie simple et effi cace, équilibrée. Par contre, quand il faut « travailler » et pédaler dur ou longtemps, ils sont là à des moments qu’ils choisissent quand ils se sentent prêts.

Les tests de niveau

Pour cela, ils s’évaluent tout seul sans informatique. Il ne faut pas croire que ce ne sont que des poètes… Si les « laboratoires » et la médecine du sport ont fait de gros progrès et peuvent vous fournir une multitude de données sur votre VO2max, fréquences cardiaques et puissances à divers seuils, coeffi cients de ventilation, les résultats et comptes rendus sont parfois abscons et inutilisables sur le terrain surtout si le cycliste n’a pas la maîtrise.
Il faut donner du sens aux chiff res et ce n’est pas évident. Aussi, un relevé de votre fréquence cardiaque au repos noté sur le carnet d’entraînement, une pesée hebdomadaire toujours le même jour, un petit test de Ruffi er- Dickson mensuel, sont autant d’indicateurs précieux qui sont pour certains suffi sants. Ils les complètent avec des parcours tests. Telle une longue bosse du coin montée vite en constatant si les braquets utilisés sont les bons, si les jambes « répondent » et si leur temps d’ascension est bon. Tel le parcours en contrela- montre sur le plat de 15 minutes ou encore la sortie dominicale avec leurs copains où ils peuvent, ou pas, prendre des relais en fi n de circuit. Enfi n la première épreuve cyclo ou première course les confortent ou non dans leur programmation.
Autant d’éléments tangibles qui leur font moduler la longueur et les intensités de leurs sorties à venir. De véritables tests de « terrain » avec un rappel à des sensations basiques : bonnes ou mauvaises. Ces sensations donnent parfois plus d’indices de forme ou de méforme qu’une analyse, même fi ne, de blocs où on lit les puissances à un instant « t » sur une sortie.

Des sorties simples

Les séances d’entraînement sont dès lors simples, pas sortie de la tête d’un jeune entraîneur universitaire qui n’a pas beaucoup pédalé, ni même issues de la théorie d’un programme où, chiff res à l’appui, on vous intime de rouler de manière militaire, sans marge ni improvisation. La liberté est, pour le vélo, un sentiment à ne pas perdre. En forme, on appuie sur les pédales, en méforme, on lève le pied. On doit pouvoir ressentir cela. Ceux qui préfèrent les méthodes « manuelles » ont donc quelques sorties types qui sont effi caces et qu’ils utilisent selon leurs sensations ou plaisir du moment. Souvent leurs parcours sont choisis, plats ou vallonnés, faciles ou durs. Ces cyclistes pratiquent la récupération active, où on sue jusqu’à 60 % de son potentiel. Ils travaillent aussi en groupe au moins une fois par semaine pour s’évaluer, soit dans les roues, soit en travaillant des périodes de relais en pensant « endurance » comme naguère et pas « aérobie fondamentale ». Techniquement, ils n’oublient pas de « tourner les jambes » en restant au-dessus de 90 Rpm la plupart du temps. Ils programment aussi des sorties seuls qui « leur font du bien » avec du rythme par séquences de 15 à 20 minutes et pas du « travail au seuil », mais cela revient au même. Intuitivement, sans cardiofréquencemètre, ils sont dans la bonne allure personnalisée, parfois à deux pulsations cardiaques près de celles qu’on aurait pu leur programmer. S’ils ne le « sentent plus », ils abrègent une série, chose diffi cile à faire si on vous a imposé un temps d’eff ort. Si les contractures sont trop fortes après une sortie, ils savent prendre une journée de repos supplémentaire. A contrario, ils peuvent aussi « se rentrer dedans », sans faire du court-court, pour des sorties où ils travaillent leur « résistance » et sans connaître leur puissance en watts, en « s’amusant ». Cette manière « artisanale » de s’entraîner est un art de vivre qui n’a rien à envier à une méthode plus scientifi que. Car le cyclisme est tout, sauf une science exacte.

Après les fêtes de fin d’année, comment reprendre l’entraînement en janvier pour maigrir ?

Vous devez réaliser des sorties en « lipolyse », c’est-à-dire rouler avec des fréquences cardiaques basses. Mais ces sorties ne sont efficaces que si elles sont régulières. Vous pouvez donc programmer pour janvier la progression suivante avec 3 sorties par semaine. 1ère semaine, trois fois 1h30 sans braquet, sur du plat ; 2e, deux fois 2 heures et 1 heure sur un terrain vallonné avec parfois le grand plateau ; 3e deux fois 3 heures sur un parcours varié, en groupe, et une séance de home-trainer. La 4e, deux fois 2 heures sur du plat avec le grand plateau et une belle sortie de 3h45 avec de belles bosses.
Vous progresserez tout en maigrissant si vous mangez en même temps sans excès.

Les sensations à vélo

Les seuls seuils scientifiques avec lesquelles les cyclistes modernes s’entraînent, correspondent à des sensations que n’importe quel cyclosportif ressent et peut utiliser sans cardiofréquencemètre, ni capteur de puissance pour travailler efficacement.