Jean-Philippe Bréna
Pilote FGT-F1 Officiel et Consultant Expert du Sport Automobile

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Rétrospective de la Saison 2015 du Championnat du Monde de F1

La F1 est une activité cyclique. L’an passé, après quatre années marquées par le joug de Red Bull, le règlement avait ouvert un nouveau cycle technique, Mercedes devenant le bourreau, et Hamilton succédant à Vettel dans celui du despote. En toute logique, 2015 a en grande partie ressemblé à 2014 à quelques détails près...

Mercedes plus forte encore

Mercedes a réussi, en 2015, à faire encore mieux qu’en 2014. Plus de points, plus de doublés, plus de podiums… Elle détient maintenant presque tous les records en une saison.

Mercedes exerce en ce moment sur la F1 l’une des plus outrageuses dominations de l’histoire. Dans le même genre, on pense à Mercedes, déjà, en 1954-1955, ou encore McLaren en 1988-1989, Williams en 1992-1993, et puis Ferrari (2002 et 2004) ou Red Bull (2011 et 2013). Depuis deux ans, l’écurie de Brackley gagne tout ou presque. Elle n’a laissé échapper que deux pole positions, comme McLaren en 1988 et 1989, et six victoires. Le seul domaine où quelqu’un a fait un jour mieux est celui des tours menés (97 % pour McLaren), contre actuellement autour de 80 % pour les Allemands. La fiabilité, aussi, laisse encore un peu à désirer, et empêche des séries comme 17 podiums en 17 courses pour M. Schumacher du temps de Ferrari en 2002. Pour le reste, Mercedes frôle la perfection. Sa domination est, en revanche, assez atypique. Elle est moins cynique que celle de Ferrari avec Michael Schumacher et le statut clair de n° 1 de ce dernier ; elle est aussi moins courageuse (ou périlleuse) que celle de McLaren (Prost/Senna, Alonso/Hamilton) et Williams (Reutemann/Jones, Piquet/Mansell), avec certes une liberté laissée aux pilotes mais toujours sous strict contrôle. Mercedes a choisi de mettre le curseur au milieu. Il n’y a pas de statut de pilote n° 1 mais il n’y a pas non plus de carte blanche. Tout tourne autour d’une politique stratégique maligne et efficace qui a été remise en question lors des trois derniers grands prix par Lewis Hamilton. L’Anglais demandait d’un coup plus de liberté et de prise de risque, et qu’on lui laisse tenter une stratégie à part pour battre Rosberg. Il n’en a eu l’autorisation qu’à Abu Dhabi, perdant toutefois son pari. Mercedes a ainsi prouvé que sa politique de stratégie identique, parfois énervante pour les fans et frustrante pour les pilotes, n’est finalement pas si désavantageuse pour ces derniers et atteint un certain point d’équilibre. Surtout, Mercedes arrive pour le moment à parfaitement canaliser l’animosité grandissante entre ses deux pilotes. La rivalité est devenue détestation. Contrairement à 2014, elle a fait mieux dans ce domaine, puisque cette fois Hamilton et Rosberg ne se sont pas accrochés. McLaren, en 1988 et 1989, avait, elle, petit à petit perdu le contrôle du duel entre Prost et Senna. Mais pas sûr que cela dure... Le duo Lewis/Nico s’est hissé au deuxième rang des plus prolifiques de l’histoire, avec 23 doublés à leur actif. Ils ne sont plus qu’à une longueur de M. Schumacher/Barrichello, en à peine 3 saisons. Et ils sont encore ensemble pour au moins un an. Cette stabilité est un autre succès allemand. Bref, Mercedes gagne, Mercedes est populaire, Mercedes évite les pièges. Mais bientôt, Mercedes gagnera trop et commencera à lasser. Comme Red Bull, comme Ferrari. C’est le prochain objectif à atteindre : que ses succès ne se retournent pas contre elle.

Ricciardo a-t-il déçu ?

L'homme qui a rossé le quadruple champion du monde Vettel en 2014 et qui a été le seul à battre l’armada Mercedes à trois reprises était attendu au tournant.

Car le plus dur est de confirmer. Sebastian Vettel parti chez Ferrari, Daniil Kvyat a eu la lourde tâche de prendre la place d’équipier de Daniel Ricciardo. Le jeune Russe, de cinq ans son cadet, avec deux saisons d’expérience en F1 en moins, a d’abord dû faire taire les critiques en début d’année, ce qu’il a fait très rapidement une fois que les soucis mécaniques l’ont laissé en paix. D’entrée, Ricciardo a pris les devants, assez nettement, et ce jusqu’au grand prix d’Espagne, où le Russe a pour la première fois émergé devant lui. A Monaco, confirmation, Kvyat a suivi de près son leader, avant de le battre les trois grands prix suivants. Petit à petit dans la saison, les exploits sont venus de part et d’autre : Kvyat deuxième en Hongrie, quatrième en Belgique et au Mexique ; contre Ricciardo deuxième à Singapour. Début septembre, Daniil a pris pour la première fois le pas au championnat, le laissant ensuite repasser dans le camp de l’Australien, avant de rester devant, à partir de la Russie, sur ses terres, et ce jusqu’au bout. Daniel Ricciardo a donc été battu de trois points au championnat. Il n’avait plus été devancé par un équipier depuis Jean-Eric Vergne en 2012 chez Toro Rosso. C’est une surprise. Ce n’est pas que cela. C’est une déception. Même si on a toujours eu l’impression que Ricciardo est le plus fort des deux, notamment en constance, il n’a pas semblé avoir progressé cette saison. Etonnamment, il a commis deux erreurs à Silverstone et au Mexique, choses rares chez lui, menant à des accrochages. Il a évoqué des coups de pompe mentaux à partir de Monaco, expliquant mal vivre sa frustration que la Red Bull 2015 soit moins performante que la 2014. En fin d’année aussi, il a également été phagocyté par Helmut Marko qui, choisissant de se taire, a transféré sur les épaules du pourtant gentil Australien la responsabilité du sniper chargé de viser Renault. En 2015, il devra moins ruminer, moins parler, car si Kvyat continue à progresser, son tempérament russe pourrait finir d’éteindre l’étoile Ricciardo.

Bottas sort-il affaibli ?

Révélation de la saison passée, au centre de toutes les rumeurs de transfert courant 2015, Valtteri Bottas avait changé de statut.

Mais la bienveillance générale à son encontre a soudainement tourné au scepticisme. Avant, on saluait ses exploits, maintenant on cherche la petite bête. Bottas fait face à une critique qui revient en boucle : il n’aurait pas été assez dominateur face au vieillissant Massa. Felipe a maintenant trente-quatre ans et compte treize saisons à son compteur. Donc, la vox populi s’attendait à ce que le jeune Finlandais, assez nettement vainqueur de leur premier duel en 2014, enfonce le clou et termine le travail. Or cela n’a pas été le cas. Surtout en début de saison, où Massa a même mieux démarré (3-0) et pris les devants. Petit à petit, Bottas, blessé en Australie, s’est remis en marche et a repris le dessus. 11-8 pour Valtteri en qualif, 9 à 8 en course. Des résultats comparés assez serrés, confirmés par le même nombre de podiums (2), et à peine 15 points d’écart entre eux. Une saison donc en demi-teinte. Il est vrai que Massa a été plus fort que prévu cette saison. Et qu’il reste un pilote très véloce. Il était très en confiance dans la FW37 et a « surpris » Bottas. C’est le Finlandais qui le dit. La vraie force du protégé de Häkkinen a toujours été la course, où il est régulier, constant et intelligent. Malheureusement pour lui, il n’a pas eu beaucoup de réussite de ce côté-là. Nombreuses erreurs de stratégie de Williams, arrêts loupés, pénalités du fait de son équipe, et un double accrochage avec son compatriote Räikkönen. Et plus généralement une monoplace 2015 moins compétitive que celle de l’an passé. Quand tout allait bien, Bottas était clairement le meilleur performeur derrière les Mercedes et la Ferrari de Vettel. Il a été le seul à vraiment menacer le quadruple champion du monde. Il ne manque pas grandchose pour que les grincheux admettent que Bottas mérite un top team : un peu de réussite en plus et des qualifs plus convaincantes. Pour le reste, il a inscrit 322 points en deux ans. Pas mal, non ?

WILLIAMS A-T-ELLE ATTEINT UNE LIMITE ?

La renaissance de Williams avait fait naître de gros espoirs pour 2015.

Trop sans doute, chacun espérant à la fois les voir titiller Mercedes encore plus, tout en sachant très bien, au fond, qu’elle risquait de plafonner. Les raisons sont connues : méthodes veillottes, stratégies laissant à désirer, budget limité… Elles se sont toutes confirmées. Mais il y a aussi eu deux gros obstacles. Tout d’abord la monoplace, moins rapide que l’an passé. Très typée appui faible en 2014, elle assurait le coup sur les autres circuits. Elle a changé de philosophie, sans gros gains en appui (cata sous la pluie et sur les pistes en ville) et avec un avantage en ligne droite qui a disparu. Fin 2014, Bottas parvenait à menacer Mercedes : pas loin de signer la pole à Sotchi, 2 dixièmes à Interlaglos et à Abu Dhabi. Un an après, Williams était repoussée, aux mêmes endroits, à 9 dixièmes et 1,4 seconde. Elle avait pourtant pas mal démarré la saison, Bottas parvenant à marquer Vettel à la culotte. Mais le développement technique à Maranello a largement pris le pas sur celui de Grove, abandonné très vite. Deuxième handicap assez inattendu, Williams n’a pas été aidée par… Mercedes. Certes, Stuttgart lui fournit depuis deux ans le meilleur Power Unit, mais refuse, par ailleurs, ou dit ne pas pouvoir assumer de donner à Williams les mêmes évolutions que celles de l’écurie d’usine. Quand, à Monza, Hamilton a eu droit au nouveau moteur, Williams en a été privé. Cela a fait grincer des dents chez Williams et a clairement coûté quelques dixièmes face à Ferrari. Williams a quand même assuré l’essentiel en évitant le yo-yo des performances des dernières années. Pour la première fois depuis longtemps, elle enchaîne deux bonnes saisons de suite. De bon augure pour la suite, malgré les limites constatées.

VERSTAPPEN EST-IL PLUS QU’UNE RÉVÉLATION ?

Sebastian Vettel est le plus admiratif de la première saison du plus jeune pilote de l’histoire : « Il a été plus qu’une surprise. »

Vettel s’y connaît, lui qui, en son temps, dans la même écurie que le Hollandais, était dans la même position. Si Max Verstappen a soulevé autant de doutes que de louanges en début d’année, à cause de son jeune âge (dix-sept ans), il a vite fait taire les critiques. Hormis à Monaco, où son accrochage spectaculaire avec Grosjean a été autant montré du doigt pour son geste que pour son comportement ensuite. Refuser de reconnaître son erreur a démontré à la fois la mauvaise foi des grands pilotes et son ambition de toujours attaquer au maximum quoi qu’il lui en coûte. Il n’a plus commis la même erreur, preuve de son intelligence. Malgré cela, Verstappen a été l’attaquant de la saison. Il aurait dépassé plus d’une cinquantaine de fois. Avec, encore, une limite franchie, à Abu Dhabi. Il doit faire attention car son permis de conduire, qu’il a obtenu dans la vraie vie avant Spa, ne contient plus que 4 points sur les 12 autorisés en F1. Les commissaires de piste le gardent à l’oeil. Si Verstappen a été assez exceptionnel en course (meilleur performeur comptable de Toro Rosso, 21 pts de plus que son équipier), s’il a sauté sur la moindre occasion de briller, comme en Hongrie ou à Austin, sous la pluie, où il s’est classé 4e, en qualifications, il a plus souffert. Il s’incline au final devant un Carlos Sainz Jr épatant en vitesse pure. Ce n’est pas tant Max qui a déçu que Carlos qui a étonné. A sa décharge, Sainz a beaucoup plus d’expérience des voitures puissantes comme la Renault 3.5 alors que lui, venait directement de la F3. On a, avec Verstappen, assisté à un événement unique. De par son âge, ce qu’il a réalisé et comment il a traversé tout cela. Il est plus qu’une révélation, il est une promesse énorme pour le futur. Ferrari et Mercedes l’ont compris plus vite que tout le monde en se battant déjà pour lui faire les yeux doux. Devant un Red Bull prêt à la guerre pour le garder.

Ferrari : Mission (presque) accomplie

Avec trois victoires au compteur, Ferrari a rempli les objectifs de sa nouvelle direction. Mais y a-t-il que de quoi s’en féliciter ?

Avec la Scuderia, il y a deux terrains de jeu. Le sport et les coulisses. L’écurie la plus médiatique et la plus susceptible de déchaîner les passions doit toujours éviter les situations de crise, qui, chez elle, sont décuplées. Comme en 2014, où l’explosion en plein vol de l’ère Alonso – départ de l’Espagnol, de Montezemolo, de Domenicali, de Fry… – a mené à une saison 2015 où Maranello avait complètement changé de visage. Si Ferrari a débuté avec une équipe profondément renouvelée, elle ne pouvait pas s’attendre à une période d’état de grâce. Notamment pour le nouvel arrivant Vettel, quadruple champion du monde en titre mais bousculé en 2014 par une saison décevante. Première mission accomplie : comparé à Michael Schumacher, Vettel a rassuré les tifosi, en s’imposant dès son deuxième grand prix en rouge. Le nouveau management avait lui-même fixé le plan de marche : il fallait remporter au moins trois grands prix. Maurizio Arrivabene, l’homme qui s’est lui-même mis la pression, a eu du nez. Ferrari a justement gagné trois courses. Elle a mis fin à deux saisons de disette. En 2015, Ferrari a fait bien mieux, elle a émergé comme la meilleure écurie derrière Mercedes, après avoir terminé 2014 loin derrière Williams, Red Bull et même McLaren et Force India parfois. La monoplace 2015 a partout signé des chronos en nette hausse : en moyenne 8 dixièmes au tour, avec des pics à 2’’0 à Singapour ou 1’’7 à Monza. Vettel qualifie la saison 2015 de Ferrari de « miracle ». Il explique : « Changer autant de choses dans une écurie est toujours une étape lourde à digérer. On l’a fait en quelques mois. » Räikkönen, lui, reconnaît les nets progrès effectués, à tous les niveaux et notamment ceux de la cohésion et de l’ambiance dans l’écurie. Le Finlandais est aussi le premier à reconnaître : « Nous ne sommes pas encore là où nous voudrions et où nous devrions. » En effet, Mercedes est encore largement devant. Ferrari enregistre sur la saison un déficit moyen énorme de 6 dixièmes au tour. Il n’a pas évolué de l’année. En course, c’était mieux, notamment à la fin, au Brésil et à Abu Dhabi, avec moins de vingt secondes derrière un duo Mercedes en pleine bourre. En 2016, ce ne sera plus la même indulgence générale. La Scuderia devra se rapprocher bien plus de Mercedes, à défaut de pouvoir de façon crédible espérer les battre.

FORCE INDIA CHANGE-T-ELLE DE STATUT ?

Dans la tempête actuelle qui menace de faire sombrer de nombreuses équipes, Force India tient le coup.

Elle souffre, mais cela ne semble en rien affecter les moyens techniques qui sont les siens. Certes, ils ne lui ont pas permis de terminer la nouvelle voiture à temps, mais ont rendu possible, à partir de l’Autriche, de montrer une réelle transformation. 21 points lors des 6 premiers grands prix, avec une voiture dépassée, puis 115 points ensuite lors des 13 courses suivantes. Pour une moyenne de 8 points par grand prix. Dès lors, Force India n’était pas loin du tableau de marche de Williams et comptait à peine 18 points de moins que Red Bull sur la même période. Son duo de pilotes a assuré. Hülkenberg est peut-être moins en verve mais il est maintenant un vainqueur des 24 Heures du Mans. Pérez, lui, encore marqué au fer rouge de son image de pilote payant et de son échec chez McLaren, a montré un tout autre visage. Il est redevenu le Pérez de Sauber, excellent en gestion des pneus, rapide, incisif, et même ce qu’il n’avait jamais été avant, fiable. Les deux hommes ont ainsi offert à Force India sa meilleure saison en F1, avec son entrée dans le top 5 des constructeurs, et troisième indépendant derrière les constructeurs Mercedes et Ferrari. Le tout pourtant avec moins de points inscrits. C’est le seul bémol. Force India a inscrit un podium, avec Pérez en Russie. Chapeau à elle, à l’heure où l’on ne sait pas encore si en 2016 elle s’appellera encore Force India ou Aston Martin. Mais il demeurera sa crédibilité dans la discipline reine. Force India ne l’a pas gagnée en un an ni en 2015, mais l’assoit depuis maintenant quelque temps. C’est encore plus admirable et cela prouve le sérieux des méthodes de management et de travail. Il manque maintenant un budget plus conséquent pour pouvoir viser encore plus haut.

EST-CE UN NOUVEAU GROSJEAN ?

L'année 2015 est à part dans la vie de Romain Grosjean. Celle de sa dernière saison avec Lotus et Enstone, celle de sa décision de tenter le pari de Haas, et celle où, jusque-là attaché à une seule équipe, il a pris son envol.

Tout le monde connaît la carrière mouvementée du Français : l’espoir puis la déception, le revenant puis le banni, le repenti puis le promu, le maudit puis le vanté. Le tout pour un seul homme de vingt-neuf ans. Lotus, passée pendant l’hiver du moteur Renault au meilleur bloc, le Mercedes, a offert à Grosjean l’occasion de franchir un nouveau cap. Meurtri l’an passé de s’être retrouvé englué en fond de classement, il a à nouveau démontré de belles choses. De la constance, et de l’acharnement. Face à un Maldonado mis sous l’éteignoir, il a porté Lotus à bout de bras, malgré une situation financière se dégradant, malgré un développement technique à l’arrêt et même un matériel vieillissant. 10 fois dans les points, 12 fois en Q3 (sur les 15 premiers G.P.). Sur toutes les pistes, dans toutes les conditions, il était présent. De quoi viser une place dans le top 10 final. Il échoue de 7 points face à Nico Hülkenberg. Frappé en plus par de nombreux problèmes techniques en qualif et en course et l’absence de développement de sa Lotus. Il a commis une seule erreur, en Russie. Une belle saison, « sa plus belle » selon lui (et nous) avec à la toute fin un ébouriffant grand prix d’Abu Dhabi. Grosjean a attiré Haas, avec dans l’ombre, tapie derrière, une Scuderia Ferrari pas forcément convaincue par lui dans le passé mais qui se demande ce que vaut ce Français énigmatique. Depuis le départ de Räikkönen, il a prouvé qu’il pouvait être un leader et un sauveur. Haas est justement allé chercher cela, en plus de son attaque bien connue. Maldonado, toujours adroit face à ses équipiers, a cette fois été plié en deux. C’est dire.

Vettel : On oublie tout

Sorti affaibli d’une campagne 2014 désastreuse, Sebastian Vettel est reparti de l’avant. Il émerge en seul rival potentiel de Lewis Hamilton et en parfait chef de guerre Ferrari. arrivant chez Ferrari. Il a été malin,

De toutes les émotions, l’une des plus fortes a été d’avoir retrouvé le Vettel de 2010-2013 et d’avoir oublié celui de 2014. Car le quadruple champion du monde était tellement passé à côté que l’on s’inquiétait soit de sa motivation à consentir à nouveau aux sacrifices du succès, soit de son intérêt pour un sport en pleine mutation technologique, soit de son potentiel réel. Et si Vettel n’était qu’un pilote fait pour les meilleures voitures ? Et s’il avait brillé parce que Webber était en fin de carrière ? Déjà peu crédibles, ces doutes ont été balayés. Vettel a très vite rassuré sur sa capacité à piloter des F1 devenues plus lentes, moins sympa à conduire, avec moins d’appui à l’arrière et des freins moins prévisibles. L’an passé, il n’arrivait plus à faire la différence. Il l’a refait à nouveau. Il n’a plus jamais eu de soucis ni de passage à vide, hormis un grand prix du Mexique terminé dans un mur de pneus. Pour le reste, il a tout le temps été là : trois victoires, toutes acquises sans aide météorologique. Il a dominé Mercedes en Malaisie, en Hongrie et à Singapour. Il est entré 17 fois dans les points, ce qui fait de lui le deuxième pilote le plus constant après Hamilton, à égalité avec Rosberg. Ses 13 podiums constituent un record pour un nouvel arrivant chez Ferrari. Il a été malin, en piste et en dehors, jouant dès qu’il le pouvait des mésententes entre Lewis et Nico pour mettre la pression sur ce dernier en vue d’une hypothétique place de vice-champion du monde. Il y aura toujours des sceptiques ou des fans d’Alonso pour faire remarquer que l’Espagnol avait plus encore écrasé Räikkönen que l’Allemand. C’est vrai, mais avec une voiture totalement différente et dans un contexte qui n’avait plus rien à voir. Vettel n’est de toute façon pas le même type de pilote qu’Alonso. Leurs caractères sont diamétralement opposés. Sebastian n’a pas moins de talent mais il est la synthèse parfaite de tout ce qui a toujours marché à Maranello et pour longtemps : le sens collectif, la séduction, le charme, le dévouement et la reconnaissance.

RÄIKKÖNEN MÉRITE-T-IL SA PLACE ?

Une saison moyenne, mais meilleure que celle de l’an passé, selon lui.

Kimi Räikkönen résume ainsi sa campagne 2015. Son constat est assez juste. Car en 2014, il avait été dynamité par Alonso, dont il marqua un tiers des points, en plus d’être corrigé en qualifications, sans jamais monter sur un podium. Son classement mondial final (12e) était le pire pour un pilote Ferrari depuis Capelli en 1992. Cette saison, à première vue, Vettel l’a également étrillé. 15 à 4 en qualif, 3 victoires à 0, 14 à 4 en course, 13 podiums à 3… Kimi n’est plus aussi fort que lors de ses grandes heures. Logique, il est en fin de carrière. En points, il n’a marqué qu’un peu plus de 50 % des points de Vettel. Alors, aurait-ce dû être sa dernière saison ? Tout le laisse à penser. D’autant que même chez Ferrari, il inquiète. « Qu’il souffre face à Alonso en 2014, face à un leader qui était chez nous depuis 2010, cela était compréhensible, nous dit un ingénieur. Mais là, Vettel débarque, et Kimi n’a pas fait le poids… » Sans oublier de nombreuses erreurs : tête-àqueue au Canada, sortie de piste en Autriche et aux Etats-Unis, accrochages avec Bottas en Russie et Mexique (pas fautif dans le dernier cas)… C’est souvent dans les moments tendus de duels au couteau qu’un pilote vieillissant montre qu’il n’a plus les mêmes réflexes. En vue de 2016, Räikkönen s’accroche à quelques signes positifs. Aux siens, avec une très bonne fin de saison au Brésil et à Abu Dhabi, à ceux des progrès de Ferrari et à ceux de son entente parfaite avec Vettel. Kimi s’entend à merveille avec Sebastian. Il travaille avec lui, rit avec lui, traîne avec lui. Ce qu’il n’avait jamais fait avec aucun de ses équipiers. Ferrari s’en réjouit et hésite un peu à casser cette atmosphère et à faire entrer un jeune loup dans la bergerie. Vettel et Räikkönen ont un double intérêt à cela : l’un pour dominer sans partage, l’autre pour rester sans menace.

McLAREN A-T-ELLE TOUCHÉ LE FOND ?

Classée neuvième et avant dernière chez les constructeurs, McLaren a connu sa pire saison depuis 1980.

Aucun podium, aucune première ligne, aucun meilleur tour en course, aucune entrée dans le top 10 en qualifications. Malgré cela, on se dit que cela aurait pu être pire. Si, si ! Avec 15 abandons au total, avoir marqué quand même 27 points relève du miracle. Elle aurait pu n’en marquer aucun, devant son salut à quelques courses un peu folles et à deux pilotes (Button et Alonso) champions du monde sachant saisir les rares occasions. Honda s’est totalement loupé, pour son retour après sept années d’absence. Moteur peu puissant, pas fiable, peu évolué… En fin de saison, le bloc nippon accusait un déficit de vitesse de pointe supérieur à celui du début : 20 km/h au Brésil, 26 à Abu Dhabi. Les progrès du châssis, autour de 7 dixièmes, ont été réduits par les inconstances du moteur. Les Japonais ont tiré McLaren vers le bas, alors que 2014, avec un Mercedes, avait été plutôt une saison correcte quoique loin des standards de Woking. McLaren a touché le fond, c’est une évidence. Maintenant, à quel point la remontée pourra-t-elle être rapide ? D’intéressantes évolutions aéro ont permis à Button de manquer d’un rien un top 10 en qualif à Abu Dhabi. D’autres grosses nouveautés sur la voiture d’Alonso, dont une suspension avant 2016, ont satisfait l’Espagnol. McLaren n’avait pas le meilleur châssis de la saison (ce qui est le cas depuis maintenant belle lurette), mais celui-ci a progressé raisonnablement, se situant autour du quatrième meilleur, pas loin de celui de Ferrari. Mais les progrès sur le moteur tardent, eux, à venir. Une grosse inquiétude, chez McLaren, demeure la capacité de réaction au Japon. Il faut, et vite, trouver 1 seconde et demi en puissance moteur. Sinon 2016 sera aussi à oublier.

PERDANTS À TOUS LES NIVEAUX

Battue en piste, Red Bull a également subi un nouveau et terrible revers : celui de la communication et de l’image. Les succès d’hier paraissent déjà bien loin.

Chez Red Bull, il n’est pas évident que le plus dommageable soit les résultats en piste. C’est vrai que l’écurie autrichienne, archidominatrice pendant quatre ans, a lourdement chuté, 2015 étant encore pire que 2014. Aucune victoire, une première depuis 2008 ! Le moteur Renault est la raison numéro 1 de cette chute sportive. Voilà pourquoi d’ailleurs, sur le papier, personne ne peut en vouloir à Red Bull, hormis d'avoir plusieurs fois été battue par sa petite soeur Toro Rosso, munie du même moteur. En revanche, Red Bull a complètement fait faillite sur le terrain de la communication, de l’image et de l’éthique. Les critiques historiques contre Renault ont frôlé les insultes et se sont déplacées sur le terrain du mensonge. Dieter Mateschitz a reproché à Renault de « lui avoir volé son temps, sa passion et son argent. » Une honte, du jamais vu en F1. A défaut de se calmer, Red Bull a entamé un chantage à la F1, menaçant de quitter le sport pour forcer les instances à réagir. Elle a négocié avec Mercedes, Ferrari et même Honda tout en ne perdant pas de temps à critiquer le manque de courage de ceux-ci. Incompréhensible comportement qui, en plus, finit en flop, Red Bull n’ayant pas eu le courage de mettre à exécution ses menaces. « Il y a trop en jeu pour partir d’un coup », admettait, penaud, Horner à Abu Dhabi. Mark Webber, ancien pilote Red Bull, nous avoue : « Red Bull a tant investi pour gagner et a finalement réussi si vite qu’ils ont plus de mal que les autres à comprendre que perdre fait partie du sport et de la vie. Ils ont perdu plus vite qu’ils n’avaient mis de temps pour gagner. D’où leur frustration et leur vexation. » Eviter d’être l’écurie la plus impopulaire de l’histoire a sans doute aussi de l’intérêt dans un sport aussi médiatique et aussi axé sur le marketing et la communication.